Marwan Muhammad , lettre

En tant que musulman, je ne m'excuse de rien. 

En tant qu'être humain, je fraternise en tout.

Contre toutes les violences, contre toutes les injustices. 

Mais il faut des mots. Des mots pour éteindre les douleurs. Ou du moins, pour essayer. 

Des mots pour un professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty, assassiné dans une brutalité inouïe, par un homme se réclamant de Dieu, tout en transgressant le plus sacré de ses commandements. Des mots pour sa mémoire, celle d’un enseignant, ayant dédié sa vie à transmettre le savoir. 

Des mots pour sa famille et ses proches, pour recevoir leur peine sans prétendre en mesurer la portée, pour leur dire avec respect, avec douceur, avec amitié, que leur deuil est le nôtre à tous et que chacune de leurs larmes n’est ni vaine, ni honteuse. Elles sont la dignité de ceux qui restent, perles rappel des êtres aimés, quand dans notre monde défiguré de ses violences, on arrache à nos coeurs ici un frère, là un enfant, ici une amie, là un parent. A Conflans, à Gao, à Baghdad.

Des mots pour les enfants. Dont le professeur n’est plus. Dont le prochain cours d’histoire est un silence. Dont les discussions ouvrent des portes, sans pouvoir les refermer, sur un endroit d’une noirceur si laide qu’on aurait tout donné pour la leur cacher. Cet endroit où la mort est acceptable, pour des mots et quelque désaccord. Où la violence est sourde, arbitraire à en hurler. Comment ouvrir un livre, celui du professeur s’est refermé. 

Des mots pour les enseignants, de nos ignorances les soignants. Même quand on vous critique, c’est parce que vous nous l’avez appris. Et il suffit de perdre l’un d’entre vous, pour savoir ce qui manque. On se rappelera plus tard de vous, sans connaître vos prénoms. Les héros de nos classes, trop souvent décriés. Vos idées vous remplacent dans nos cahiers déchirés.  

Des mots et juste un peu de paix. 

Le reste n’est que conversation.

Marwan Muhammad